Interview de Vincent Yver, Chambre d’agriculture de l’Oise
GIEE Cernodo

« Valorisation agronomique des synergies entre cultures et élevages en Picardie Verte et Pays de Bray » et « L’élevage laitier économe et agro-écologique :système gagnant de demain »

Vincent Yver est animateur de groupes auprès de l’association de développement agricole du CERNODO (Comité pour l’Expansion Rural du Nord-Ouest du Département de l’Oise).
Cette association est composée d’une douzaine de groupes thématiques (Lait, Viande, Cultures, Bio, Agricultrices…), dont deux ont été labellisés GIEE, l’un en 2016 et l’autre en 2019.
Depuis 10 ans, son rôle est de les accompagner dans la mise en place de leurs différentes actions techniques et territoriales.
Leur objectif : vulgariser et promouvoir l’agriculture sur ce territoire, en partenariat avec la Chambre d’agriculture.

Peux-tu nous présenter les GIEE que tu animes?

Le GIEE “synergies entre cultures et élevage” est composé d’une vingtaine d’agriculteurs parmi lesquels une dizaine de polyculteurs éleveurs laitiers en conventionnel, 5 polyculteurs en agriculture biologique et enfin 5 éleveurs laitiers bio.
Quant au groupe “élevage laitier économe et agro-écologique”, il est composé de 9 exploitations laitières dont 3 en conventionnel et 6 en bio.

Quel est votre objectif?

L’objectif est de créer une dynamique autour de différentes techniques dites agro-écologiques et d’être capable d’en évaluer les résultats qu’ils soient économiques ou environnementaux.
Ainsi, chiffres à l’appui et portés par le groupe, les agriculteurs sont dans une réelle posture d’évolution positive. Positive pour eux et positive pour le territoire.

Comment se sont formés ces groupes?

Les deux groupes sont issus des différents collectifs existant au CERNODO. La volonté était, au travers de la labellisation GIEE, de proposer aux personnes participants aux actions “traditionnels” du CERNODO d’aller un peu plus loin.
Ainsi, les réflexions déjà existantes ont été complétées par celles organisées dans le cadre du GIEE pour ceux qui le souhaitaient.

Quelles thématiques travaillez-vous?

Les deux GIEE travaillent en fait sur le même objectif : la recherche de performance économique et environnementale au travers de l’intensification du lien entre le sol et l’animal.
En effet, plus ce lien est important et plus l’autonomie de l’exploitation est grande.
La seule différence est qu’ils n’utilisent pas tout à fait les mêmes leviers:

– Le premier groupe est plus axé sur une recherche de complémentarité entre les cultures de vente et l’élevage
– le second vise plutôt à placer l’herbe et la prairie comme ressource unique pour l’animal

Peux-tu nous donner un exemple de travaux menés avec le GIEE économe et agro-écologique?

“Bien sûr : par exemple, trois exploitations servent de support pour un suivi de la pousse de l’herbe :
Le premier site se situe en Picardie Verte près de Formerie, en système de polyculture élevage lait conventionnel
le deuxième est dans le Pays de Bray, sur un système identique au premier
et le troisième est localisé dans le Pays de Bray, mais en système spécialisé de production laitière biologique.
Chaque semaine, un conseiller de la chambre d’agriculture mesure le niveau de pousse de l’herbe sur la surface de pâturage des vaches laitières grâce à un herbomètre. Ces relevés servent ensuite au calcul de quelques indicateurs comme la croissance de la semaine (en kg de matière sèche / ha / jour), la part d’herbe dans la ration actuellement distribuée (en % de la ration hivernale) et le nombre de jours d’avance.
Ce suivi permet chaque semaine d’apporter des préconisations plus précises aux éleveurs laitiers.

Vous utilisez aussi une méthode d’animation très innovante, les ateliers de co-conception, est-ce que tu peux nous en dire plus?

“Pour mettre en contact les agriculteurs en quête de nouvelles façons de produire et la R&D (Recherche & Développement) porteuse de nouvelles connaissances, nous utilisons une méthode d’animation innovante : les ateliers de co-conception.
Lors de ces ateliers, le groupe d’agriculteurs se positionne en consultant pour résoudre un problème posé par l’un d’entre eux. Plus précisément, le groupe propose un nouveau système de production afin de répondre au problème posé.
Ce travail est alimenté par des apports de connaissance issus de la R&D via un partenariat avec Agro Transfert Ressources et Territoire.
Les agriculteurs sont très impliqués et apprécient cette façon de travailler. Nous sommes parfois surpris par leurs propositions qui se révèlent à la fois réalistes, applicables et innovantes.

« Nous nous retrouvons sur une journée entière chez l’un des membres du collectif » témoigne David DEMARCY, agriculteur à Mureaumont et membre du GIEE synergies entre cultures et élevages, « le matin, un intervenant [expert extérieur sur un sujet donné] présente un thème, sous forme d’échange avec le groupe. Il adapte son intervention en fonction des questions du groupe, tout en faisant une visite de l’exploitation. L’après-midi, un agriculteur présente les objectifs qu’il se fixe à 5 à 10 ans. Puis le groupe d’agriculteurs, en fonction de cette cible et des informations sur l’exploitation, réinvente un nouveau système pour arriver aux objectifs. ». Un autre agriculteur précise l’intérêt particulier qu’il trouve à ces journées : « Des visites d’exploitation j’en ai déjà fait des dizaines au moins. Mais là on a vraiment une problématique et un aboutissement. Ça permet d’avoir des échanges plus pointus. Aujourd’hui on est plutôt acteurs. »

Cette méthode met réellement au centre le groupe et ses savoirs. Les règles sont simples : participation active de chacun, pas de jugement et surtout, dans un premier temps, aucune limite. Cette action intéresse la recherche, notamment l’Inra. Nous sommes fiers dans l’Oise d’être les premiers en France à la mettre en place dans le cadre d’exploitation de polyculture-élevage ».

Contact: Vincent Yver, Chambre d’agriculture de l’Oise – 06 81 92 05 45