Voici la suite de l’interview de Thibaut Constant, gérant du domaine de Sandricourt, l’une des 27 exploitations agricoles du projet, et président du GIEE Les 5 éléments des Sablons.
Il nous avait présenté dans l’article GIEE Les 5 éléments des Sablons (1/2) le diagnostic initial de l’impact environnemental des pratiques agricoles. Celui-ci sert à mettre en avant les résultats de modélisant les concentrations en nitrates et les transferts de substances actives vers les nappes.
Aujourd’hui, il nous présente les PSE Qualité de l’eau, réduction de GES/stockage du carbone, et Biodiversité.
Tous ces travaux sont menés en partenariat avec :
- Péri-G et Arvalis, grâce à l’outil Systerre, a permis de globaliser la base de données et de calculer certains indicateurs économiques.
- Agora pour une étude pédologique réalisée par une pédologue qui a défini 12 profils-types de sol différents, attribués à chaque parcelle.
- le laboratoire Auréa, pour des analyses de sols réalisées sur 150 parcelles pour mesurer les reliquats azotés entrées et sorties hiver, le pourcentage de matières organiques et l’azote potentiellement minéralisable.
- Météo France pour récupérer les données météorologiques précises sur les 3 ans.
- UniLasalle pour réaliser les comptages de vers de terre sur 120 parcelles et un stage 6 mois pour faire une cartographie des éléments du paysages (haies, bords de champs, bandes fleuries,…)
Proposition d’un PSE Qualité de l’eau
Le concept du PSE sur la qualité de l’eau est de rémunérer l’association d’agriculteurs en fonction de l’atteinte de résultats sur les 2 volets “nitrates” et “produits phytosanitaires”.
“Ceci est un changement majeur par rapport à l’approche classique des MAEC dans le cadre de la réduction d’intrants : elles offrent une compensation liée à la perte économique des agriculteurs suite à la réduction d’usage des intrants et la baisse de la fréquence des traitements qui engendrent une perte de rendements.
Ce système ne permet pas de garantir que ces réduction d’intrants amènent aux résultats escomptés sur l’environnement : ce n’est pas parce qu’on a réduit de 30% les doses d’azote que la concentration en nitrates sous racinaires sera inférieur à 50 mg/l, idem pour la réduction des IFT.” nous précise Thibaut Constant.
“Bien sûr, certaines MAEC sont heureusement efficaces car elles permettent d’atteindre les résultats escomptés. Par exemple, c’est le cas des MAEC de conversion en prairies, qui, de fait, engendrent à la fois l’absence d’utilisation de phytos et la réduction de la concentration en nitrates. Les changements majeurs de mode de production comme l’agricuture biologique engendrent également une absence de pollution diffuse en phytosanitaires, par contre il ne garantissent pas des concentrations en nitrates sous les normes “eau potable”.
Ici, dans le cadre du PSE Qualité de l’eau, nous partons de l’état initial des parcelles, identifié à 110 mg/l de nitrates sous racinaires, un plan d’actions a pu être défini pour permettre d’atteindre une concentration en infiltration à 50 mg/l. Son efficacité a été modélisée si tous les agriculteurs mettent en place le plan d’action défini.
Concernant les phytosanitaires, l’objectif est de diminuer la concentration sur la somme des matières actives, en passant de 0,22 ug/l en moyenne à 0,1 ug/l, et concernant la concentration par matière active, en passant de 0,55 ug/l à 0,1.”
Proposition d’un PSE Carbone
L’association d’agriculteurs se conforme à la méthodologie du label “bas carbone grandes cultures” mis en place par le Ministère.
Voici le plan d’action à mettre en oeuvre :
- Diminution de la fertilisation azoté minéral par substitution organique (dont digestat)
- Changement des formes d’apport organique
- Enfouissement rapide des apports organiques
- Substitution azote liquide par ammonitrate
- Augmentation de la biomasse des intercultures longues
- Introduction d’intercultures courtes ou augmentation de leur biomasse
- Introduction de cultures dérobées
- Augmentation des rendements et choix de cultures à forte production de biomasse
- Introduction de culture de printemps lié à la réduction d’azote (tournesol, pois)
- Augmentation des prairies temporaires et de leurs restitutions
- Apport d’azote en localisé
- Réduction de la consommation de fuel
Nous avons réalisé un état initial des émissions de GES et du stockage du carbone pour chaque exploitation. a partir duquel chaque agriculteur a défini un plan d’action et modélisé son efficacité a priori sur la réduction des émissions de GES et de stockage de carbone.
En moyenne, sur le groupe, le plan d’action permet une réduction de 19% des GES et une amélioration du stockage de carbone de 46%
Ces améliorations engendrent une moyenne de 1,34 T de carbone/ha/an. Ce qui fait à l’échelle du groupe 7 312 TC/an Label Bas carbone.
L’association est maintenant en phase de commercialisation de ces tonnes de carbone auprès d’entreprises locales.
Proposition d’un PSE Biodiversité
Offre alimentaire en pollen et nectar: à partir de la description cartographique des cultures et des aménagements paysagers du territoire, notamment la description de 55 km de haies, 93 ha de jachères, et 45 ha de bords de champs, la production de pollen et de nectar du territoire a pu être modélisée.
À l’échelle du territoire, les aménagements des agriculteurs produisent 219 T de nectar et 250 T de pollen.
L’élément paysager le plus producteur est la Haie, avec en moyenne 418 kg de nectar/ha et 360 kg de pollen/ha. Loin derrière les bords de champs (nectar : 61 kg/ha et pollen : 71 kg/ha) et les cultures annuelles (38 kg/ha et 45 kg/ha).
Il a aussi été identifié que le facteur limitant la nutrition des pollinisateurs est la production de nectar et de pollen en sortie d’hivernage au mois de mars.
A partir de ce diagnostic initial, nous avons déterminé un plan d’action qualitatif qui détermine une essence à floraison précoce en mars et un plan d’action quantitatif qui prévoit l’augmentation des éléments paysagers, notamment des haies.
Vers de terre: le comptage des vers de terre avec la méthode “moutarde” sur 120 parcelles a donné une abondance totale moyenne de 18 vers de terre par m². Ceci est conforme à la référence de 20 en grandes cultures (moyenne française).
78% des verres de terre récoltés sont des juvéniles, 64% des endogés, 34% des anéciques et 2% des épigés.
Afin de comprendre la variabilité des résultats de l’abondance des verres de terre entre les 120 parcelles, UniLasalle Beauvais a mené une étude statistique sur les variables:
- “cultures en places”
- “pourcentage d’argile du sol”
- “pourcentage de cailloux du sol”
- “réserve utile”
- “pourcentage de matières organiques”
- “temps depuis le dernier labour”
- “IFT totale” “IFT Molluscicides”
- “IFT insecticides”
- “couverture du sol”
- et “nb de labours 10-20 cm”
Cette analyse n’a pas permis de faire ressortir des variables significatives pour expliquer les variables entre les parcelles. Cependant une légère tendance ressort: cultures en place, pourcentage de matière organique, temps depuis le dernier labour et nombre de labour 10-20 cm et IFT Molluscicides.
Auxiliaires, ravageurs, mésofaune: UniLasalle Beauvais a réalisé des comptages d’insectes (auxiliaires, ravageurs) à l’aide de cuvettes jaunes, et de piège Barber pour la mésofaune. A chaque fois, sur les aménagements paysagers et les parcelles témoin (sans aménagement), en faisant varier la distance de la parcelle aux aménagements, un suivi mensuel avec un comptage et une détermination des espèces a été réalisé entre le printemps et l’été 2021.
Les analyses statistiques de l’influence des aménagements paysagers sur l’abondance et la diversité des espèces sont en cours.
L’association d’agriculteurs est en cours de commercialisation d’un PSE biodiversité basé sur l’offre alimentaire en pollen et en nectar, qui sur les 3 critères étudiés, est le seul critère qui permet de suivre quantitativement les résultats à partir d’un modèle, sans avoir recours à des comptages qui comportent des biais au niveau des parcelles (verres de terre et insectes).
Pour ces 3 PSE, le contrat portera sur un engagement de 5 ans. Chaque année, les concentrations en nitrates et phytos, seront recalculées à partir des données de traçabilité des pratiques agricoles. Un organisme de certification certifiera les méthodes de calcul et auditera annuellement le système mis en place pour valider ces résultats. L’association d’agriculteurs sera rémunérée au prorata de la baisse des concentrations des nitrates et phytos par rapport à l’état initial, et en fonction des m3 d’eau infiltrée.
Crédits photos: PériG
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