L’Agence de l’eau Artois Picardie a reconduit son événement « L’Académie de l’Eau » les 12 et 13 octobre sur le thème de l’eau, les sols et l’agriculture. Au programme, échange, conférence et visite terrain sur des exploitations en agroécologie.
Thierry Vatin (Directeur Général de l’Agence l’Eau Artois-Picardie), André Flajolet (Président du comité de bassin Artois Picardie) et Olivier Dauger (Président de la Chambre d’Agriculture des Hauts de France) ont introduit cette académie par un échange qui contextualise les enjeux et les évolutions à entreprendre.
“L’eau est un élément vital, il est important de la protéger et la partager de manière équitable car c’est une ressource limitée. Sur le bassin Artois-Picardie, les besoins représentent 500 millions de m3”
La sécheresse dans le Nord !
Il y a quelques années, cette idée paraissait impensable. Depuis 2017, le réchauffement climatique est une réalité comme l’a démontré Emma Haziza, hydrologue.
Nous avons connu des records de chaleur et de sécheresse depuis ces cinq dernières années. Nos nappes ne peuvent plus se recharger correctement. Pourtant avec les rivières et les cours d’eau, elles ne représentent que 0,00012% de l’eau sur Terre.
L’intervention s’est terminée par un échange rappelant au passage que 12% de notre eau est contaminée par des produits phytosanitaires.
Un climat moins propice à l’agriculture
Dominique Poissonnier, prévisionniste chez Météo France, nous a permis de comprendre pourquoi le climat se réchauffe et comment va-t-il évoluer grâce aux différentes projections du GIEC. Un élément important : les zones habitables et favorables à l’agriculture vont se raréfier d’ici 2050.
Le message positif de créer des synergies pour limiter le réchauffement climatique a été lancé !
Une agricultuire régionale productive qui laisse peu de place à la biodiversité
Retour dans notre région avec Agnès Jacques de l’Ademe qui nous a présenté le diagnostic alimentaire territorial. Rappelant que la surface agricole représente les ⅔ de notre région, l’Ademe a photographié le territoire pour mettre en avant le potentiel nourricier et industriel, ainsi que la répartition de l’emploi autour de l’agriculture. Un potentiel nourricier à 130%, des cultures emblématique telles que la pommes de terre, la betterave et les céréales montre que l’industrie agroalimentaire des Hauts de France est forte.
Cependant, la fin de la présentation mettait en avant le manque de durabilité et de résilience de notre territoire. En effet, selon le diagnostic, notre région a un des taux d’artificialisation des sols les plus élevés et une part d’éléments favorables à la biodiversité inférieur à 15%.
Le sol, la clé
Pour clore l’après-midi, Marc-André Selosse, professeur d’université, est revenu sur la formation du sol et sur les pistes à suivre pour améliorer les capacités de nos sols. C’est avec un ton parfois décalé qu’il nous explique que le sol est une véritable éponge grâce à la matière organique (végétaux morts décomposés par des bactéries, champignons, ver de terre etc …). Il confirme que l’agriculture de conservation des sols est une piste d’amélioration pour l’agriculture mais aussi pour la biodiversité :
- augmentation de la matière organique qui permet une meilleure rétention d’eau
- le non travail du sol empêche la transpiration des bactéries responsable du dégagement de Co2
- amélioration de la capacité du sol à se tenir, diminuant ainsi l’érosion
- meilleur développement de symbiose entre les mycorhizes et les plantes qui augmente l’absorption de nutriments tels que le phosphore
Les agriculteurs s’engagent
Le lendemain, nous avons été très bien accueillis chez Sébastien Lemoine et Emmanuel Leveugle, deux agriculteurs à Gouzeaucourt non loin de Cambrai.
Les deux exploitants ont pour volonté commune de limiter au maximum leurs impacts sur l’environnement, amener du sens à leur travail, de l’innovation, gagner en autonomie et enrichir leur outil de travail, la terre.
Ils ont adopté des pratiques parfois communes, parfois différentes pour répondre à leurs problématiques et celles du territoires :
- réduction du travail du sol
- mise en place de couverts après les récoltes
- conversion à l’agriculture biologique
- plantation de haies
- renforcement de l’immunité des plantes par des macérations et thés de compost
Emmanuel nous montre ce qu’il a mis en place pour gagner en autonomie et protéger son sol. Il a lui-même construit son semoir avec l’aide de l’Institut Saint Eloi de Bapaume.
“Je ne voulais pas investir jusqu’à 100 000€ dans un semoir de semis direct car je veux maîtriser les coûts de mécanisation. J’ai utilisé des plans disponibles en Open Source sur internet et en définitif, le semoir m’a coûté 12 000€.”
L’eau est un véritable enjeu notamment pour Sébastien Lemoine qui produit des légumes en agriculture biologique depuis 2011.
“Nous avons mis en place l’irrigation pour limiter le stress des légumes, particulièrement pour les carottes et les oignons afin d’obtenir un calibre correct pour la commercialisation mais aussi pour avoir de meilleures conditions pour désherber à la main ou à la machine.”
Les deux agriculteurs ont mis l’accent sur l’importance de travailler en collectif pour réussir leur transition agroécologique. Emmanuel travaille avec le GIEE Agr’Eau-Logic animé par Aristide Ribaucour, conseiller de la Chambre d’Agriculture. Sébastien est membre de la SEP Bioteam, un collectif de 3 exploitations qui mettent en commun leur assolement. Le collectif aussi en CUMA pour échanger, maîtriser les coûts de production et utiliser du matériel innovant.
Des réponses aux problématiques, place aux actes !
Cette Académie de l’Eau nous amène à nous questionner sur la gestion de l’eau dans modèle agricole. Notre zone climatique tempérée sera confrontée à un changement radical. Passant d’une pluviométrie régulière tout au long de l’année à de plus fortes précipitations l’hiver et des été plus secs.
Tous les acteurs du monde agricole doivent relever ce défi pour préserver notre biodiversité, notre souveraineté alimentaire et donner de la visibilité à nos agriculteurs.
Et vous, quelles actions mettez-vous en place pour préserver notre eau ?